LA PERMISSIVITE MUSICALE : Une Petite Sortie hors des Sentiers Rabâchés

Étant de puis longtemps assez fouineur dans tout ce qui est progressif et étant toujours le premier à discuter du fond et des formes, étant également quelque peu documenté sur le sujet, bref, étant un chieur de première, les autres membres de Madelgaire m'ont demandé de définir le Rock Progressif afin de compléter notre site par une ou deux pages documentaires, très courtes si possible.
Le but est d'inviter à un débat avec des personnes extérieures au groupe, des fans, des musiciens ou des surfeurs de toutes provenances
J'ai accepté, justement à un moment où je remets beaucoup de choses en question dans ma perception de la musique et du progressif en particulier et parce que le médecin a dit que j'allais mieux.
Certains prendront cette démarche comme un accès d'intellectualisme pédant mais je leur rappellerai que, de tout temps, les formes culturelles (dont la musique populaire et ses sous-genres par exemple) ont été révélatrices des tendances et des références de notre société et de sa santé.
De plus, depuis environ le début des années 90, il y a un revival indéniable du genre.
Il n'est donc pas négligeable d'en parler de temps en temps.
Et puis j'ai une heure à perdre alors…

Au début des années cinquante naît une forme musicale simpliste qu'on appelle Rythm'n blues, puis Rock'n roll et qui vient des USA.
Son transit vers notre vieux continent est facilité par la mouvance économique d'après-guerre.
Finies la guinguette, les farandoles et la musique folklorique pour les jeunes européens, c'est le temps des parties et de l'émancipation contre l'ordre établi, l'establishment à qui on a si souvent envie de dire " fuck ! " vers l'âge de 14-15 ans.
Tout ce qui va avec cet establishment est banni : l'école, l'éducation, les pensées conservatrices et tout ce qui y fait référence, et donc la MUSIQUE de papa (ou grand-papa, c'est selon…) : le Jazz et surtout la Musique Classique, musiques d'initiés croulants qui en prennent ainsi pour leur grade.
Les jeunes dansent et s'éclatent sur les tubes de Presley, Little Richard, Chuck Berry et tous les autres, et non plus sur les valses de Strauss ou le swing du vieux Glenn Miller.
L'industrie du disque alors naissante voit directement le parti économique qu'elle peut tirer de cette musique si simple et vite faite, standardisée par ses soins à une durée de 2 à 3 minutes et qui permet d'instaurer le culte de la Rock-Star, basée sur l'imagerie et l'attitude plus que sur la créativité.
Jusqu'à aujourd'hui, ce rock'n roll et ses dérivés vont être les maîtres du disque, des ondes radio, de la TV et sera l'emblème de la pensée des jeunes occidentaux souvent reprise sous l'étendard : " Sex, Drugs and Rock'n Roll ".
Le rock est devenu un phénomène de société qui a marqué à jamais la deuxième moitié du 20ème siècle en occident.
Cependant, en y regardant de plus près, ce mouvement révolutionnaire n'est qu'une " limitation " du vocabulaire des compositeurs : mélodies, rythmes, grilles d'accords, durées et structures limitées à la base du rythm'n blues, vocabulaire limité à environ 250 mots, propos-bateaux destinés à la consommation d'un public jeune et en mal de rébellion contre l'ordre établi et surtout : démocratisation du mouvement (il suffit de se mettre à plusieurs, d'apprendre 3 accords et d'avoir une guitare).
Le rock est un très mince outil pour qui a envie de faire de la musique d'inspiration.
Oserai-je le dire… dans le vaste univers du rock, et ça n'a pas changé, la musique n'est qu'un élément du décor au même titre que la bière qu'on y boit, le joint qu'on y fume ou la bonne femme (le mec) qu'on y drague.
Le rock, c'est un événement incluant un peu de musique.

Pourtant un jour…
En 1967, les Beatles sortent "Sergeant Pepper's Lonely Hearts Club Band"
L'album est cité comme la première pierre d'un nouvel édifice qui ramène la musique à un bon niveau créatif pour les foules.
A en croire ceux qui ont vécu ce moment, cet album-culte était inattendu, inconcevable et révolutionna complètement le Petit Monde de Don Camirock.
Les Beatles, pour la petite histoire, ont pété un plomb en 1966 et ont décidé de faire autre chose que des concerts inaudibles et du rock-bateau pour se consacrer entièrement à la création en studio.
Cela les a menés vers des expérimentations sur la composition, le mixage, les arrangements, le son... infaisables en concert et jamais entendus auparavant…
Le disque offrait aussi, pour la première fois, sur 33 tours, non plus une compilation de chansons de l'année, mais une suite de morceaux et chansons tournant autour d'un thème général.
Sergeant Pepper fut ainsi le premier "album-concept", possédant une histoire ou plutôt un " sentiment général " mais aussi une imagerie photographique et picturale travaillée dans le même sens…
Les premières pochettes marquantes de l'histoire du rock datent d'ailleurs de cette époque et ce nouveau produit, dans la mêlée des idées expérimentales, anarchiques ou laxistes de l'époque (Hippies, Happening, Pop' art...), part dans toutes les directions.
L'album est pour ces raisons multiples, cité comme le premier album " Progressif " de l'histoire du rock (Beaucoup ne sont pourtant pas d'accord avec cet avis mais ils n'ont qu'à écrire leurs propres articles).
D'autres groupes et musiciens suivent le mouvement dans la foulée, puisqu'il est enfin permis de faire autre-chose que ce qu'on passe à la radio et sur 45 tours.
La nouvelle tendance est baptisée " Rock Psychédélique " et ses acteurs connus sont les Who, Pink Floyd, Frank Zappa, Cream, the Nice, the Moody Blues, the Grateful Dead, Jimmy Hendrix, Jefferson Airplane, tous mus par les accès de prescience que leur fournissent la drogue et les hallucinogènes… et bien d'autres groupes et musiciens qui sortent d'une façon ou d'une autre des canevas établis par le rythm'n blues et le rock'n roll.

Le progressif part de ce vaste champ foisonnant d'émancipation créative par rapport aux règles d'or du rock.
Bientôt apparaissent ainsi d'autres groupes qui auront leur heure de gloire dans les années 70 et donneront véritablement au progressif ses lettres de noblesse.
Les plus connus, encore actifs aujourd'hui (quoique…) sont Yes, Genesis, King Crimson, Emerson Lake and Palmer (ELP pour faire plus court sur les pochettes),Jethro Tull, Gentle Giant, Van der Graaf Generator, Kansas… (je préfère arrêter là).
D'autres groupes célèbres seront aussi mais de façon moins évidente associés au mouvement : Led Zeppelin, Electric Light Orchestra, Deep purple, Queen, Pink Floyd ou encore Supertramp par exemple...
D'autres encore plus éloignés viendront des grandes valeurs du Jazz, menant le Jazz-Rock toujours plus loin : Soft Machine, Mahavishnu Orchestra, Weather Report ou Chic Corea et son groupe-concept "Return to Forever"... la liste et les filiations sont encore longues...
C'est au travers de ces différentes tendances qu'on établira plus tard des sous-genres : Symphonique, Canterbury, Atmosphérique, Folk-Prog, Metal-Prog… et on se la pète bien violemment à coup de discussions d'esthètes…
D'autre part, avant de parler de Progressif, on parlera de Rock d'Avant-Garde, de Art Rock, Rock Expérimental… de fait, souvent les fans ne sont pas d'accord avec les classements et chipotent sur des mots…

Concrètement… Le progressif est une forme de rock.

En effet, il est principalement articulé autour des instruments classiques du genre : basse-batterie, clavier et/ou guitare, chant (pas toujours).
Caractérisé par une émancipation par rapport aux règles classiques du rock, le progressif retourne à la création musicale pure, sans limitations à un thème, à un son, un arrangement, une durée ou un rythme, sans se préoccuper d'un chant si on n'a rien à dire, sans absolument faire danser ou hurler les foules, sans avoir besoin d'un look ou d'une attitude particulière : la musique est le seul but, le moyen et la fin.
Le rock progressif correspond à une forme de pensée typiquement occidentale se basant principalement sur la beauté des canons de la musique classique moderne et post-moderne (de Mozart à Schönberg), dont les caractéristiques esthétiques sont la mélodie, l'harmonie, la construction narrative et la structure rythmique.

Ce sont en effet les caractéristiques de tous les tubes de la musique classique depuis la renaissance jusqu'à aujourd'hui.
Les compositions progressives sont donc caractérisées par une approche structurale rythmique et mélodique où rien n'est laissé au hasard (ou, dans le cas des improvisations de King Crimson par exemple, la démarche devient hasardeuse mais c'est le but...).
Les compositeurs progressifs, influencés par les génies et les malades de la musique classique, du Jazz et, assez souvent par des formes musicales étrangères (comme la musique javanaise dans le cas des incontournables King Crimson (époque 1980)), tordent les harmonies et les arrangements, déplacent le sens d'un rythme ou d'un accord, choisissent l'arythmie ou la dodécaphonie et nous donnent souvent des compositions " tordues ", parfois aux limites de l'écoutable (5 UU's, Janic Top, Magma, Henry Cow…).

On peut donc dire que le progressif revient aux enseignements du Jazz et de la Musique Classique dans sa recherche mélodique, ses rythmes et nuances, ses couleurs sonores et ses connaissances techniques " académiques ", ce qui n'est pas étonnant en ce qui concerne le classique vu les racines du vieux continent, le nôtre, d'où est parti le mouvement progressif.
Les filiations évidentes sont légions : Emerson Lake and Palmer nous proposent tout au long de leur carrière des versions "rock" de symphonies ou concertos de Prokofiev ou de Moussorgski.
King Crimson nous propose aussi des improvisations assez similaires au Jazz ou au Free-Jazz.
Genesis et Yes développent des arrangements et des mouvements atteignant parfois 25 minutes (la limite temporelle à l'époque, d'une plage d'album) dans le style grande symphonie.
Electric Light Orchestra fera un "Concerto for a Rainy Day", Focus un "Hamburger Concerto", Kansas nommera un de ces morceaux "Lamplight Symphony"...
Les structures de ces " longues chansons " se rapprochent souvent de celles des longues suites symphoniques classiques : ouverture, thème principal, intermède… le tout liant plusieurs parties ou mouvements.

En clair, les groupes progressifs proposent de façon générale des " morceaux " (plutôt que des chansons) forçant une écoute attentive (cela dit, on y trouve aussi des moments de transe comme aux concerts de rock...).

L'orientation allant vers une liberté totale, on y trouve de tout, sous des formes complexes ou simples.

Là se manifeste, outre la composition " tordue " typique du genre, l'autre différence la plus évidente entre le prog et le rock " à 4 temps " : la façon de jouer, impliquant un bagage lourd de connaissances musicales inhabituelles dans le rock et se manifestant par ce qu'on appelle la " virtuosité " ou plus vulgairement : l'habileté à jouer " 36.000 notes par minute ".

La virtuosité, souvent décriée ou mise en avant pour vanter ou dénigrer les rockeurs progressifs, est effectivement une pierre d'achoppement à double-tranchant du genre.

En effet, quand on voit et surtout qu'on entend certains musiciens comme Rick Wakeman (Clavier de Yes) ou Bill Bruford (Batteur de King Crimson), on pense parfois à une certaine forme de "Concours Reine Elizabeth" avec tous les clichés associés à une ambiance de recueillement et de respect.

Tout y concourt à penser (pour les adorateurs de la spontanéité rock) que ces musiciens sont des machines au service de la technique plus que du sentiment (ce qu'est la musique) et donc, les ennemis du caractère vif, irréfléchi et rebelle du rock classique (dont l'incarnation ultime deviendra la Punk Music en 1976, on ne peut moins réfléchi).

C'est là surtout qu'on verra les critiques de l'intelligentsia du rock puriste s'insurger contre le progressif : " On ne sait pas danser sur ce type de musique, c'est pompeux et prétentieux, ils se prennent pour des dieux, ouh qu'il est laid et prétentieux... "

Les limites permises du rock (ou plutôt sa raison d'être), ainsi transgressées, des groupes comme Yes seront adorés par une moitié du public et détestés par l'autre.

Ce sera un peu différent pour King Crimson, qui avec son côté " noir et cynique ", sera plus facilement respecté par les noirs corbeaux décadents de cette fin de millénaire.

L'utilité de cette virtuosité est toute relative, parfois inutile, elle permet cependant une liberté totale d'imagination et de création musicale nécessaire à qui à envie d'aller toujours plus loin… plus de barrières techniques, qui peut le plus peut le moins.

Pourtant, il est généralement toujours incongru de voir un virtuose " concentré " sur une scène de rock, sauf en de rares occasions.

Pourquoi le phénomène est-il si dérangeant ?

Tout simplement parce que la musique jouée demande alors trop d'attention et n'offre plus seulement cette transe dansante tellement sacrée dans l'univers du rock.

C'est surtout dérangeant pour la tradition du rock de faire dans le technique et complexe, c'est une forme de rappel d'une certaine scolarité trop " establishment " malvenue et donc " au bûcher, les hérétiques ! ".

Le débat est long et encore d'actualité mais c'est généralement sur ce point que les progressifs se font attaquer par les tomates tueuses.

On trouve aussi dans le progressif des sons et instruments inhabituels dans le rock : violon, clarinette, flûtes, jusqu'au biniou ou la viole de gambe et surtout, dès 1966-67, les premiers synthés et séquenceurs pouvant rendre le côté symphonique avec plus ou moins de crédibilité… les fameux Mellotrons, ARP, Moogs et Mini-Moogs, Bass-Pedals et Orgues Hammond sont monnaie courante…

Le progressif ramène donc la pensée musicale de l'occident sur son piédestal en prenant appui sur l'énergie du Rock.

Dans son genre, le progressif est donc une forme ultime et très louable pour qui cherche du sens dans la musique occidentale.

Mais c'est là qu'il faut être prudent : les musiques du monde et les autres genres ethniques nous apprennent qu'il y a d'autres caractéristiques riches de sens que la musique occidentale ne connaît pas et ça, les musicologues le savent bien, les petits cachotiers.

Qu'est-ce qu'y dit ?

La thématique du progressif (paroles et univers évoqués), sans être braquée sur un thème particulier, s'écarte aussi du rock classique : les thèmes abordés sont rarement ceux de l'univers machiste du rock (I love you-you love me) ou des préoccupations socio-politico-économiques habituelles (J'ai perdu mon boulot à l'usine ; Société, je te hais ; Vietnam aïe-aïe-aïe ; La vérole sur vos gueules ...) mais plutôt des thèmes à caractère fictif, d'émancipation, de science-fiction, ou de philosophie, écologie, humour absurde, heroic fantasy, contes de fée, gestes médiévaux, liste des courses...

Bref, il ne s'agit plus des 3 cavaliers mâles de l'aRockalypse : Sex, Drugs and Rock'n Roll mais d'une forme de musique… disons androgyne, ce qui poussera plus d'une fois certains détracteurs à qualifier les progresseux de " tapettes à longs cheveux des années 70 ".

Partant de ces thèmes et de l'aspect " grandiloquent " de la musique progressive, on va également y trouver, par extension, une imagerie limite kitsch : décors et costumes extravagants, coiffures émaillées de poudre d'or, guitares à cinq manches, bottes de sept lieues, déguisements surréalistes... le pire et le meilleur comme tout ce qui a jalonné les 70's.

Le progressif deviendra véritablement un genre médiatique entre 1970 et 1976 environ, période durant laquelle nous seront fournies les pièces les plus surprenantes et les plus significatives du mouvement.

Mais attention, ce mouvement l'est devenu par choix du public et des médias.

Il fallait bien étiqueter toutes ces musiques inclassables, tous ces albums qui n'étaient ni du Jazz, ni du rock, ni de la musique classique, ni du folk ni rien de " codifié " de façon claire... il fallait bien trouver des chefs de file pour établir des comparaisons et trouver un nom et en parler.

L'étiquette devint "ROCK PROGRESSIF" et les quelques groupes cités ci-dessus passèrent à la postérité (du moins jusqu'à maintenant).

Et maintenant ?

Beaucoup d'autres ont enregistré des albums et eu leur heure de gloire, un peu partout dans le monde (mais principalement en Europe, le mouvement étant parti plus précisément d'Angleterre, ce qui n'est pas un hasard mais une autre longue histoire).

Cependant, le mouvement d'émancipation des 70's s'essouffle et les producteurs de disques se tournent petit à petit vers autre-chose : la Disco, le Punk et à l'orée des 80's : la New Wave et ses dérivés, avec l'explosion de la musique électronique et l'abandon total de tout ce qui est purement acoustique.

Les groupes progressifs tombent alors comme des mouches et seuls quelques-uns, qui ont acquis une notoriété sans pareille, restent sur le marché (c'est qu'il en faut des sous pour faire des trucs pareils).

Ce sera principalement Yes et Genesis mais en retournant leur veste pour proposer une musique plus accessible et plus rentable : de la pop fm (Et pan dans la gueule de Collins !).

En effet, les premiers hits mondiaux dignes du top 50 (Et pan dans la gueule d'Anderson !) de ces deux groupes tombent vers 1980-82 : Abacab, Mama, Turn it on again, Owner of a lonely heart sont de belles chansons mais n'ont plus rien à voir avec les élans visionnaires et symphoniques que ces groupes nous donnaient encore un ou deux ans plus tôt.

Kansas avec ses boursouflures à la ZZ Top n'est pas mal non plus d'ailleurs…

A partir de ce moment, on peut considérer, que le progressif est médiatiquement mort et ne drainera plus que quelques nostalgiques aux longs cheveux aujourd'hui grisonnants ou quelques amoureux de la musique émancipée comme nous.

Le mouvement sera aussi récupéré et amalgamé au Hard pour nous donner la FM (Asia, Rush, GTR…) au détour des années 80.

Dans tous ces groupes " dinosaures ", les caractéristiques les plus évidentes du progressif sont grossies et exagérées jusqu'au ridicule, en faisant vraiment un sous-genre de l'industrie du rock par des tics : utilisation répétitive de sons particuliers de guitares et de claviers pompeux, réverbérations abusives, thèmes-clichés récurrents, grilles d'accords et rythmes bien usés jusqu'à la corde.

Bref, une caricature grossière qui fait qu'on se souvient aujourd'hui du prog comme d'une curiosité bien dégoulinante d'illusions et surtout bien pompeuse des années 70, au même titre que les Claudettes de Cloclo ou les favoris de Jacques Martin.

Le genre, parce que médiatisé, a été soumis aux limitations et clichés d'usage.

Les compositions ou les thèmes, les sons surtout sont trop souvent comparés (très souvent plagiés) à quelques grands noms des années 70, toujours les mêmes : Yes, Genesis, King Crimson, ELP…

C'est bien là une preuve de conditionnement, d'enfermement du genre dans des codes assez stricts. Il faut que ça " sonne comme… " ou " ça fait penser à... ".

Le retour nostalgique aux sources sous forme de tributes nombreux en est une preuve de plus ; les clones et cover-bands pullulent (Fragile pour Yes, Regenesis, The Watch et Genesis Project pour Genesis, Cannonball pour Supertramp… ).

Résultat : on en parle aujourd'hui comme d'un " genre dépassé" avec ses caractéristiques musicales propres, ses sons, ses structures et ses attitudes.

Le progressif n'est pas un genre, c'est un état d'esprit qui tient à se dépasser constamment…

C'est pourquoi King Crimson arrête de produire de la musique chaque fois qu'ils ne trouvent plus rien de neuf, évitant de se répéter de façon alimentaire et nostalgique.

Yes n'a malheureusement pas eu la même démarche, les cons.

Pour le reste, médiatiquement, il a fallu attendre l'avènement des autoproductions et des petits labels indépendants pour vivre, au début des années 90, un renouveau de la " démarche ", mais est-ce vraiment un renouveau ?

Ou n'est-ce qu'une production nostalgique de plus qui contribue à alimenter la forme pompeuse du " genre " ?

Avec des groupes comme Spock'Beard, Dream Theatre, the Flower Kings et autres nombreux groupes très inspirés venant aujourd'hui des 4 coins du monde, on touche au pire comme au meilleur, au manque d'innovation aussi malheureusement.

Ce n'est heureusement pas sans exceptions bienvenues.

Nous sommes donc à l'heure du NEO-prog, autre étiquette…

C'est aussi l'heure de gloire des rares groupes qui ont continué à y croire ou à essayer de trouver un public à travers les 80's comme Marillion, Arena, Pendragon, Camel ou IQ qui a démarré au plus sale moment, en 1979.

Mais les années ont passé et ces groupes n'échappent pas non plus à l'analyse des tics et de la nostalgie d'une production maintenant presque standardisée et codifiée. Ils ne nous présentent presque plus rien de neuf.

Finalement, le progressif, pour toutes ces raisons, n'est qu'un genre (donc une limitation) de plus à ajouter aux multiples tiroirs de l'industrie du disque, qui se ramifie de plus en plus jusqu'à l'absurde.

Malgré la passion qui nous pousse vers cette musique, c'est plutôt régressif non ?

Qu'en penser ? Snif…

Personnellement, je préfère le terme " permissif " en espérant ne jamais le voir sur une pancarte de rayon chez un disquaire.

Afterthought : Avec les Madelboys, nous venons d'enregistrer nos premiers morceaux en studio.

En écoutant la galette, c'est clair : nous tombons, selon moi, aussi dans une certaine nostalgie mais bon, on n'échappe pas à ses influences et y a que l'intention qui compte…

You call yourselves progressive
I say it's all regressive
You think you can stand in judgement
So listen here and I'll remind you :
Preaching the converted
'cause it's all you know
Music's dead because
It's all about the money now...

(Preaching the converted - Test of wills - Magellan 1995)

Music speaks through one language but in many dialects
(Tracts Promo Discipline Global Mobile 1996)

J'espère que c'était clair et instructif, je n'ai pas l'habitude d'écrire des articles de ce type.

J'aurais encore beaucoup à dire mais pour de plus amples informations et un suivi actif du mouvement, j'invite les motivés à visiter le site du fanzine " prog-résiste " (ça dit bien ce que ça veut dire…) dont l'adresse figure dans notre page de liens.

Là, vous trouverez le meilleur… et… aussi… brhum…

Quelques albums phares ?

Ceci est une liste reprenant des célébrités très reconnues par tous et d'autres uniquement par moi, elle n'engage donc que mon point de vue…

  • Fox Trot et The Lamb lies down on Broadway de Genesis
  • Close to the edge et Relayer de Yes
  • Ashes are burning de Renaissance
  • Discipline et Red de King Crimson
  • Leftoverture de Kansas
  • Pictures at an exhibition d'Emerson Lake and Palmer (ELP)
  • Soft Machine (éponyme)
  • H to He de Van der graaf generator
  • The power and the glory de Gentle Giant
  • Thick as a brick de Jethro Tull
  • UK (Eponyme)
  • Defector de Steve Hackett
  • Grand Hotel de Procol Harum
  • Entrata de Premiata forneria marconi
  • Shamal de Gong
  • Mecanik destrucktiw kommandoh de Magma
  • Hybris d'Anglagard
  • Mirage de Camel
  • Concerto for a rainy day d'Electric light orchestra (ELO)
  • Air conditionning de Curved air
  • Flash in the can de Flash
  • Western culture de Henry Cow
  • Animals de Pink floyd
  • Birds of fire de Mahavishnu orchestra
  • The grand Wazoo de Frank Zappa
  • Hergest ridge de Mike Oldfield
  • Romantic warrior de Return to forever
  • Olias of Sunhillow de Jon Anderson
  • Ever d'IQ
  • Morpio morpio flatulensis de S£aw
  • Moving waves de Focus
  • Jester de Machiavel
  • The spirit of eden de Talk talk
  • The light de Spock's beard
  • Back in the world of adventures des Flower Kings
  • Feels good to me de Bill Bruford
  • Vemod d'Anekdoten
  • Globalys (Eponyme)
  • Morte Macabre (Eponyme)
  • Happy the man (Eponyme)
  • Transatlantic de Stolt-Morse-Portnoy-Trewavas
  • Metropolis, scenes of a memory de Dream Theatre
  • Hour of restoration de Magellan
  • The polite force de Egg
  • …Goes to the Collégiale de Madelgaire
  • etc

De la littérature sur le sujet ?

  • Listening to the future, the time of progressive rock (Bill Martin,Open court USA 1998)
  • Rocking the classics, english progressive rock and the counterculture (Edward Macan, Oxford university press 1997)
  • The music is all that matters : a history of progressive rock (Paul Stump, London quartet books 1997)
  • Rythm and noise : an aesthetics of rock (Theodore Gracyk, Durham, N-Y 1996)
  • Rock : the primary text; developing a musicology of rock (Buckingham : Open university press 1993)

    " ET MAINTENANT, JE VAIS ME COUCHER ! "

    Créé le samedi 20 octobre 2001
    Revu et corrigé le lundi 21 janvier 2002 et le samedi 13 avril 2002
    Version mise en ligne le 20 mai 2002

Reçu le 05/03/2003

Un autre commentaire sur la parenté entre shred et prog, quid quand Joe Satriani joue avec Dream Theater ou invite Robert Fripp sur son dernier album?
Dorian Darkangel

Reçu le 12/08/2002

Je viens de lire avec intérêt l'article de Pascal sur le rock permissif. Agréable à lire et globalement très instructif, surtout pour les "cheûnes" qui tomberaient là-dessus par hasard ... ;-) .... en plus j'aime bien le ton, on dirait du prog-résiste ! ;-)) Juste un truc (pour prouver que je l'ai lu) : parler de Camel comme une musique des '80 avec IQ et Marillion, ça n'est pas très juste .... Camel fête ses 30 ans demain et connut ses plus beaux succès (Moonmadness, ..) au milieu des '70. Je vais bientôt me lancer dans un historique en plusieurs épisodes pour PR ... (Andy Latimer est definitively mon guitariste préféré ...) Juste un autre truc (idem). Pascal parle de The Watch dans un contexte peu flatteur ... Bien que nous écoutons à la rédaction plus de 500 nouveautés par an, dans tous les styles, y compris les plus farfelus et avant-gardistes, et bien qu'une certaine lassitude s'installe pour les gros clichés néo-prog, je peux dire que The Watch fait vraiment l'unanimité ! C'est assez rare pour être souligné ... Maintenant, vous êtes bien entendu autorisés à ne pas aimer The Watch !!!! ;-))
Piero.

Reçu le 29/05/2002

Excellente définition; objective et tout : difficile de faire mieux !
Je suis encore un "nain" en ce qui concerne le mouvement progressif; c'est pas évident de trouver de l'info et surtout d'acheter plein de disque pour trouver ( rarement ) un groupe qui plait. Mais j'ai vu qu'il y avait des fanzines et tout ..et tout... donc....
J'en suis à Dream theater et Symphony X ( venant du métal, je passe par là... ). J'ai encore un peu de mal avec le *rock* prgressif; que je trouve un peu mou... mais p'tet qu'avec l'âge... : ) Hop !
Marc, Lyon (France).

A propos du shred. Reçu le 12/04/2002 12:01:21

Salut à tous
Je suis aussi amateur ds grands classiques tels Genesis,Yes,Machiavel(excellent groupe belge ayant débuté à la grande époque!).Je trouve votre explication et classification du genre assez bonne mais je me demande quel est votre avis sur le Shred.En effet,même si ce sont surtout des guitarsites solos,Vai ou Satriani,bien que nettement plus 'metal' ,utilisent aussi des structures complexes ,gammes inhabituelles et sons très tavaillés...ça ne vous rappelle rien?
J'espère avoir votre avis.
A+
Dorian Darkangel

12/04/2002 18:02:34

Cher Dorian,
Au risque d'avoir l'air d'un inculte, je ne savais pas que le mouvement des "guitar heroes" du style Satriani ou Vai était appelé "Shred", on en apprend tous les jours. Je ne sais trop que dire sinon qu'effectivement, la filiation Shred-Progressif est assez souvent évidente pour l'aspect virtuose ou lyrique de la musique, rappelant les concertos ou symphonies classiques. Je n'écoute cependant jamais de Shred, excepté chez les musiciens amateurs du genre qui trouvent comme toi une grande filiation entre les deux styles alors je préfére ne pas être "arbitraire". Cependant, la tendance Shred est pour sûr une émanation-subdivision du rock et je n'y ai jamais entendu de structure sortant des canevas classiques mais plus souvent un support à l'expression d'un soliste génial. Le progressif (qui pour moi n'est pas un genre mais un état d'esprit) déplace les importances des solistes ou accompagnateurs. Bien que Steve Howe soit un guitariste virtuose, il n'apparaît comme soliste qu'aux moments opportuns, ainsi que Rick Wakeman ou la plupart des autres, ce qui a contribué à émanciper totalement les structures, les sons et l'expression progressive dans les années 70 : le batteur, le bassiste et les autres classiquement relégués à l'arrière-plan deviennent alors aussi vitaux que les chanteurs, tantôt solistes, tantôt accompagnants, la mélodie et la structure rythmique disparaissant alors pour quelque chose de plus expérimental difficile à relier à une expression sociale ou individuelle, ce qu'à ma connaissance, je n'ai jamais entendu chez Vai, Satriani ou Petrucci et les autres que j'apprécie pourtant... L'appellation "progressif" n'est pas seulement une question de virtuosité, point de vue auquel cette musique est trop souvent ramenée et je trouve qu'aujourd'hui, il est difficile de trouver de réels auteurs dans cette branche musicale qui demande trop de liberté, d'expérimentations et de travail, d'acquis et de risques à prendre, pour preuve : ce que Yes et Machiavel sont devenus... Mais ceci ne constitue pas un jugement de valeurs.
Amicalement. A une prochaine fois...
Pascal-de-Madelgaire

12/04/2002 16:42:06

Cher Ami,
Merci pour ta question.
Je n'attends pas la réponse de mes petits camarades et je me permets donc de te donner mon opinion.
Les musiciens auxquels tu fais référence font effectivement partie d'une mouvance hybride mais qui emprunte autant au rock traditionnel qu'à la musique progressive. Par contre, la filiation avec la musique dite "classique" doit être mentionnée. Les "allusions" à Bach, ou Beethoven sont monnaie courante. Vivaldi est responsable de quelques "délires" violonistiques... J'ai par ailleurs un CD d'oeuvres pour clavecin écrites par un certain Leblan (compositeur Belge qui n'a laissé que six suites mais qui en aurait composées 100 fois plus...) qui est remarquable tant par les mélodies que par la technique et qui, retranscrit pour la guitare ferait pâlir de jalousie nos guitar heros, avec en sus, une recherche sur les harmoniques surprenante.
D'autres noms peuvent être mentionnés: Jeff Beck (Voir son "Guitar shop"), Ed Van Halen (mais oui...sur le Live "Right here, right now", il y a quelques excercices de styles intéressants),Steve Hillage ou Daevid Aellen (ex-Gong), ou Ulrich Roth...ou Yngwie Malmsteen...
Cependant, il faut trop souvent regretter le "tout à la technique" ce qui a pour effet de rendre la performance un peu stérile. Pour certains des noms précités, le passage à la guitare accoustique s'avère même périlleux...
Voilà, c'est une opinion qui en vaut bien une autre.
Dom de Gondor (Madelgaire)
Violon et autres avatars

Reçu le 17/01/2002

J'arrive plus à lire mon texte jusqu'au bout. Quelle affaire d'état ! Mais pour ceux qui sont accrochés par la polémique, car elle puissante et cruciale surtout aujourd'hui, sachez que je reviens déjà avec sur certains points sensibles de mon point de vue avec prudence. J'ai peut-être été trop vite pour démolir la pertinence du genre dans ma "note personnelle" car je suis toujours en train de creuser la question, en faisant attention à mes neurones. J'en dirai plus par la suite...
Pascalf

Reçu le 27/12/2001

C'est scandaleux.
Le rock progressif est la meilleure musique du monde entchier.
Fabien
PS Belle performance. C'est très agréable de voir une démystification du genre progressif une fois de temps en temps. Je pense que c'est nécessaire pour pouvoir la ré-apprécier ensuite à sa juste valeur, avec un minimum de recul et en évitant le culte.

Reçu le 25/12/2001

Salut!
Je suis un fan de prog depuis 30 ans et je ne crois pas qu'il est utile de statuer sur la justesse ou la fausseté de ta définition du prog lorsqu'on sent une telle passion dans tes mots. Ton texte est assez clair et exhaustif pour se rapprocher d'une définition "brillante" si elle avait été donnée comme réponse à un examen à l'école. Aucune définition n'est parfaite en soi, car le prog restera toujours à redéfinir selon les multiples points de vue que l'on peut y faire, soit en se replongeant dans le passé pour y trouver un lien enfoui ou en découvrant de nouveaux liens par les nouvelles façons dont le prog se présente actuellement. Et souvent, ce sont les perceptions des autres qui nous aident à faire notre propre définition de ce qu'est le prog.
Vive le prog et Joyeux Noël!
Louis, Montréal

Reçu le 17/10/2001

Cher Ami,
Ton texte est assez intéressant et pour une personne "âgée" comme moi, c'est une bonne façon de mettre la musique de mon adolescence en perspective... L'énumération de noms de groupe n'éclairerait certainement pas d'avantage ton article mais j'aurais aimé voir figurer Ange,Gong, Kayak, Can, Klatuu, Wallenstein (Groupe Allemand obscur des 70s). Citer Sergeant Peppers est un peu audacieux mais justifié. Une petite allusion au "rock électronique" avec des noms comme Tangerine Dream, Klaus Schulze serait une façon de démontrer une autre démarche musicale qui se retrouve dans le progressif. Enfin, la filiation avec certains courants de "musique classique" est indéniable et les emprunts sont légion: Bach, Tchaïkowski, Prokofiev, comme tu l'as si justement signalé
Et puis, la grande richesse du progressif, c'est la possibilité d'envol et de rupture dans les sons, les rythmes, les atmosphères.
Une approche que je conseille est d'analyser "l'arbre généalogique" de Yes depuis les débuts. dans le même ordre d'idée, on peut aussi examiner les incursions dans le progressif de groupes rock "conventionnels", parfois seulement le temps d'un morceau (Queen, Cure, Crash Test Dummies...) et la plupart des groupes Heavy Metal..
Merci pour tout
Dominique